Cet épisode peu connu de l'Ancien Testament peut être compris comme une rivalité entre l'anima et l'animus, le féminin et le masculin.
Les deux peuples annoncés seraient donc en fait les deux sexes, ou plutôt (puisqu'il s'agit de deux hommes), les deux énergies, féminine et masculine. Ou, si on préfère, le yin et le yang.
Les deux frères, Jacob et Esaü, rappellent Abel et Caïn.
Esaü chasse tandis que Jacob reste sous les tentes, symbole d'intériorité, de patience, de réceptivité, d'accueil.
Dans le yi-king, le premier fils (tchen) est l'éveilleur, en mouvement (qui correspond bien à la chasse), le tonnerre (le feu), tandis que le deuxième fils (k'an) est l'insondable, dangereux, l'eau (qui peut correspondre à la soupe).
Ce récit biblique peut en effet évoquer le proverbe "Il faut se méfier de l'eau qui dort", correspondant à Jacob.
L'énergie eau est féminine, tandis que l'énergie feu (Esaü) est masculine.
Esaü représente l'extérieur, l'activité, la dispersion, donc le masculin.
En outre le roux rappelle les fauves, le feu et le sang. C'est aussi, au Moyen Age, la couleur du diable.
Et les poils symbolisent la virilité non maîtrisée, la sauvagerie, les instincts débridés, voire le mal.
Il s'agit donc de l'animus, sous sa forme surtout négative.
Jacob représente l'intérieur, la passivité, le rassemblement, donc le féminin.
Il n'est pas anodin qu'il soit le préféré de sa mère : d'un point de vue psychologique, nous dirions qu'il bénéficie d'un complexe maternel positif.
Il s'agit donc de l'anima, sous sa forme surtout positive.
Cet épisode représente la réceptivité et la patience : Jacob n'a eu qu'à attendre qu'Esaü s'épuise en dépassant ses propres limites pour pouvoir lui acheter son droit d'aînesse (prendre le pouvoir) sans rien faire. Il y a donc retournement de situation, celui qui est soumis à l'autre n'est pas celui qu'on croyait, le chasseur, mais l'autre.
J'y vois l'origine de l'expression "qui va à la chasse perd sa place" .
Ce qui est confirmé par cette source :
http://fr.wiktionary.org/wiki/qui_va_%C3%A0_la_chasse_perd_sa_placeJacob supplante Esaü.
Voici la signification du prénom Jacob :
"Le nom de Jacob signifie « il talonnera », car il est né en tenant son jumeau premier-né Ésaü par le talon."
De toute façon talonner est à peu près synonyme de supplanter, d'autant plus que ce verbe évoque la plante des pieds...
Ou plutôt talonner (rattraper) précède supplanter (dépasser).
Supplanter (littéralement mettre sous le pied, sous la plante du pied) : "Faire perdre à quelqu’un le crédit, la faveur, l’autorité, la situation qu’il avait, et se mettre à sa place."
Talonner (littéralement presser du talon ou de l'éperon) : "Suivre quelqu'un de très près dans une course, une concurrence". Donc cela a à voir avec la chasse...
Le talon est le siège de la conscience, le fondement, on a mal au talon quand on se sent coupable.
C'est aussi le pivot pour avancer.
Le talon d'Achille est son point faible.
On écrase le mal (ou ce qui nous dérange) sous le talon.
Au sens figuré le talon (d'un chèque par exemple) est la souche, une mémoire.
Esaü garde donc la mémoire (cellulaire ?) de la vulnérabilité créée par son frère Jacob qui lui tient le talon lors de leur naissance, vulnérabilité qui sera activée lors de cette passation de pouvoir, le menant à sa chute, à perdre son droit d'aînesse.
C'est comme si dès la naissance Jacob était voué à supplanter Esaü.
Les lentilles peuvent symboliser des pièces d'argent, dont elles ont la forme, en plus petites.
Elles sont aussi un substitut à la viande (très riches en protéines) et s'opposent au (remplacent, plutôt) gibier tué par Esaü.
Ce dernier donne la mort, pas Jacob.
Le pôle féminin triomphe donc sur le pôle masculin.
C'est aussi le triomphe de la ruse sur la force, et du sédentarisme sur le nomadisme.
Toutefois, la division ainsi créée, qu'on peut interpréter symboliquement comme la division entre les deux pôles masculin et féminin chez un individu, mène à des problèmes, relatés plus loin dans la Bible.
Mais les deux frères se réconcilient ensuite : l'anima et l'animus s'unissent.